Le petit train, Roquefort-Arue-Lencouacq
Dans les Landes, le réseau ferré commence dans la 1ère moitié du second Empire; la 1ère ligne Bordeaux-Dax, conduite par la Compagnie du Midi et créée par les frères Pereire, est ouverte en 1854. Roquefort ne sera relié à Mont de Marsan qu'en 1882. L'inauguration de cette voie a été retardée par l'énorme construction du viaduc sur la Douze (30 m d'ouverture au dessus des rochers), que nous appelons le Pont de la ligne ; ensuite d’autres voies furent créer qui, à partir du nœud ferroviaire de Bourriot gare, conduisaient à Langon, Marmande ou Gabarret.
Plus tard, sur ce réseau du Midi, des voies secondaires vont se greffer dans plusieurs endroits de notre département. En 1882, une loi d'utilité publique déclare l'ouverture d'un réseau de 166 km de voies d'intérêt local dans les Landes; ces lignes devront se rattacher au grand axe Bordeaux-Bayonne pour lui apporter les produits de l'exploitation forestière (poteaux de mine pour l'Angleterre, traverses de chemin de fer, poteaux télégraphiques, pavés de bois pour la ville de Paris, etc...)
La voie Roquefort-Arue-Lencouacq, gérée par la S.E.F.L.
C'est dans ce programme que nous trouvons le procès verbal d'une séance du Conseil Général des Landes, datée de 1903. Me Bacon, notaire, conseiller général du canton de Roquefort, y présente un projet de chemin de fer de 12 km reliant Roquefort à Lencouacq, dont l'étude a été confiée à Gaston Lescouzères.
Voici sa description : L'itinéraire prévu part de la gare de Roquefort; la voie ferrée traverse, près du passage à niveau de la route nationale (sans toucher à celle-ci), s'engage en pleine forêt sur Arue, en passant sur les propriétés de Nauton et Haurie pour se terminer au hameau des Jourets dans la commune de Lencouacq, à 3400m au-delà du bourg, desservi lui aussi. Il y aura des stations à Roquefort, Arue, Lencouaq-ville et Lencouacq-Jourets. En outre des haltes et arrêts seront établis partout où existent des embranchements industriels.
Ce projet a été proposé par un riche entrepreneur bayonnais, Mr Ader; la voie de 75 cm de large transporterait les bois et pour la rentabiliser, on pourrait y adjoindre des wagons pour les voyageurs. Une subvention de 30 000 frs lui est accordée; Mr Ader crée la Société des chemins de fer économiques et forestiers des Landes (S.E.F.L.); la ligne est ouverte en 1907. Le train, tiré par une locomotive allemande, possède 2 wagons prévus pour 60 voyageurs; en 1ère classe, on est assis confortablement sur des coussins démontables posés sur des sièges en lattis poli, avec entretoises en acajou; en 2ème classe, on doit se contenter de sièges en lame de pitchpin vernis. Les marchandises (en majorité poteaux de mine) sont transportées sur 12 plates formes de 5 tonnes chacune.
Mais son exploitation est difficile; en 1912, la Société a déjà 155 000 frs de dettes. Le personnel et les points d'eau nécessaires au fonctionnement des machines sont coûteux; la ligne est trop courte pour être rentable. Mr Ader propose de l'agrandir de 24 kms entre Roquefort et Labastide d'Armagnac par St Gor, Vielle Soubiran, Arouille, St Justin. Mais l'écartement des rails pose problème pour se raccorder aux voies de la Compagnie des Chemins de fer du Midi qui voudrait l'exploiter elle-même. Le Conseil général donne son accord mais le Ministère des Travaux publics le déclare trop onéreux.
La guerre de 14/18 arrive, Mr Sarrade a remplacé Mr Ader au sein de la S.E.F.L., une majoration importante du tarif des transports est décidée. De plus à la fin des années 1920, un service public de transports automobiles de Lencouacq à Mont de Marsan est créé et concurrence le transport par chemin de fer. En 1929, le trafic est réduit à 2 trains de voyageurs par semaine, alors qu'auparavant, il y avait 2 allers et retour par jour. Un an après, les wagons pour les voyageurs ne sortent que 6 fois par an pour aller aux foires de Roquefort et 3 autres fois pour les foires de Lencouacq.
En 1930, c'est la crise. La papeterie de Roquefort, le plus gros client, arrête ses activités et entraîne la fermeture de la voie. En novembre 1934, cette dernière est déclassée; ordre est donné de dégager, rails, poteaux, lignes télégraphiques etc... Mais peu après, la papeterie renaît et en 1936, ses dirigeants souhaitent que l'usine soit desservie à nouveau par cette voie; heureusement elle est peu démolie. En 1937, la Compagnie du Midi signe un traité avec la S.E.F.L; les affaires traînent en longueur, car il faut traverser la route nationale en deux endroits; une convention est passée avec la Direction régionale de la toute nouvelle S.N.C.F pour le transbordement à Roquefort des marchandises. Mais la seconde guerre mondiale arrêtera tout, hélas ! et les camions feront aussi disparaître les trains.
Les gares d'Arue et de Lencouacq
Nous voici parvenus sur la route d'Arue, longeant la propriété de Jouanoy, qui appartenait à la famille Réglat. Cette famille a fait construire, lors d'une mission, un petit édicule religieux peint en bleu, abritant la statue d'une vierge. Son itinéraire longeait ensuite la route, le plus près possible, jusqu'à Arue. Dans le bourg d'Arue, la gare se trouvait à peu près à l'endroit actuel des douches municipales, près du fronton. Cette station (PK 4), située à 4 km de la gare de Roquefort desservait le village d'Arue, le PK 10 désignait Lencouacq-ville et le PK 12 Lencouacq-Jourets (le trajet total s'effectuait en 37 minutes).
L'emplacement du PK 10 de Lencouacq est davantage repérable : un panneau La Gare l'indique à droite, à l'entrée du bourg. La Société des Papeteries rachètera la gare désaffectée en 1941. Depuis, autour d'elle, des particuliers ont construit des maisons entourées de jardinets; seuls subsistent encore deux bâtiments construits de bois et de briques. Le pont bascule de 8 tonnes a disparu mais le petit banc moussu oublié, devant la porte de l'abri des voyageurs, semble toujours attendre qu'on l'utilise... Sait- on jamais ?....
Quand à la petite gare des Jourets, qui avait son hangar et sa remise pour les machines avec une fosse à piquer et une plaque tournante de 2,70 m de diamètre, elle a disparu dans les dépendances d'une habitation actuelle.
Le train Lapeyre ou Decauville
En 1926, une voie de chemin de fer différente voit le jour; elle est moins large que celle de la S.E.F.L.: 60 cm d'écartement au lieu de 75. Elle passe sur les terres de 24 propriétaires du secteur de Lencouacq et s'appelle Société des transports forestiers de Lencouacq. Elle a pour objet, le transport économique des bois récoltés et objets de toute nature, appartenant aux associés. Les familles Lapeyre sont majoritaires d'où son nom de Train Lapeyre. On l'appelait aussi le Decauville, du nom de l'ingénieur, inventeur de ce système de voie étroite.
En 1928, un traité avec la S.E.F.L, autorise la pénétration de cette voie dans les emprises de la gare de Lencouacq Jourets en vue d'un raccordement. De là, cette ligne rejoint Jeancouet où une bifurcation permet d'aller à droite, jusqu'à la gare du Poteau et à gauche, de se diriger vers Menjoulic jusqu'à Luxey (Luxey comme Roquefort possédait une voie d'intérêt local qui allait jusqu'à Mont de Marsan).
En 1930, la S.E.F.L., se plaint auprès du préfet des Landes du grave préjudice causé à son entreprise par la Société des transports forestiers de Lencouacq. Mr le Préfet répond qu'il ne peut agir, la voie étant totalement privée. Elle restera en activité jusqu'en 1941.